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Les PéRiPéTiEs de mAridO
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7 novembre 2009

Billet intéressant

Voici un billet publié sur un blog de Libé
J'aime beaucoup...

Le jour où fut votée la loi sur le voile intégral...

 Avec la proposition d'un «grand débat sur la valeurs de l'identité nationale», le ministre de l'Immigration Éric Besson n'a pas hésité à remettre sur la table le thème de la burqa, en réitérant son refus. Alors que la mission d'information parlementaire sur le port du voile intégral poursuit ses auditions, c'était l'occasion pour les auteurs de ce blog de se projeter dans un futur proche. Un post «politique fiction» en forme de scénario catastrophe.

    C’est en mai 2010 que fut votée en France la loi sur le voile intégral. Les républicains convaincus furent alors soulagés: les débats avaient été particulièrement violents, mais finalement, ils avaient permis d’arriver à un texte clair et simple: la burqa et le niqab était tout simplement interdits dans l’espace public. Mais il fallut bientôt appliquer la loi; or, il faut le reconnaître: on n’y avait guère réfléchi. C’est alors que commencèrent les vrais problèmes. Juste après le vote à l’Assemblée, dans toute la France, et notamment dans les quartiers populaires, on constata une très nette recrudescence du voile intégral. Par milliers, les jeunes filles musulmanes commencèrent à porter le niqab ou la burqa, pour manifester leur mécontentement à l’égard des députés, et leur solidarité à l’égard des femmes désormais interdites. Le phénomène qu’on voulait éradiquer était au départ marginal; après la loi, il devint endémique. Il fallait donc sévir. Les policiers furent chargés d’appréhender les jeunes délinquantes. Parmi ces filles et ces femmes, certaines obtempéraient, et payaient l’amende de 500 euros qui leur était infligée, mais nombreuses furent celles qui refusaient de payer, et de retirer l’étoffe coupable. Elles se retrouvaient alors au commissariat, au tribunal, puis en prison. On avait beau leur expliquer les splendeurs de la République, le fait est qu’elles ne comprenaient pas toujours pourquoi on les jetait en prison au nom de l’émancipation des femmes.

    Le plus compliqué, ce fut le «dévoilement». Comment déshabiller une femme en burqa ou en niqab? Dans certains commissariats, on fit usage de la force. Au nom de la loi, et de la dignité de la femme, on dévoilait les musulmanes. L’opération, il faut le reconnaître, était un peu délicate car, comme elles résistaient, il fallait leur arracher le tissu, et parfois même, quelque peu, le visage. Elles tombaient par terre, hurlaient, se débattaient, et il fallait souvent plusieurs brigadiers, assis sur elles, pour les maîtriser, pour étouffer leurs cris et retirer l’objet du délit. Elles se retrouvaient parfois à moitié nues sur le carreau, le visage lacéré, les vêtements en lambeaux, les policiers tout autour d’elles, goguenards. Une de ces opérations fut filmée par une vidéo amateur: elle fut projetée sur youtube, visionnée plus d’un million de fois en 24h. L’effet fut désastreux: on remarqua alors que retirer le voile de force ressemblait fort à un viol.   

     Quelques semaines plus tard, dans le public, se formèrent des groupes de «patriotes», des «dévoileurs» civils, qui entendaient soutenir et prolonger l’action de la police, qu’ils trouvaient insuffisante. Ils lancèrent un mot d’ordre, qui fut repris un peu partout: «Niquons le niqab!» Des lors, ces milices populaires commencèrent à quadriller les villes, afin de dévoiler les filles récalcitrantes. Ce fut le début de la terreur. Ces braves républicains déshabillaient les filles en public, dans la rue, ce qui occasionna quelques débordements. Au nom de la république laïque, ils insultaient l’islam, mais aussi les femmes, brouillant quelque peu le message qu’avaient voulu les députés. Certains patriotes allèrent même jusqu’à lutiner la vierge musulmane. Les jeunes filles qui, disait-on, étaient harcelées par les tournantes des jeunes de banlieue, si elles ne portaient pas le voile intégral, se trouvaient maintenant exposées aux tournantes des patriotes gaulois, si elles s’aventuraient à le porter. Les féministes et les républicains convaincus, ceux en tout cas qui avaient milité pour la loi, se trouvèrent de plus en plus mal à l’aise, tant les incidents et les bavures se multipliaient chaque jour. On avait voulu la paix sociale, on se retrouvait à la limite de l’émeute permanente.

     Des phénomènes nouveaux apparurent. Des filles portant la burqa ou le niqab interpelaient les policiers, leur faisaient un doigt d’honneur, comme l’avait fait le ministre de l’identité nationale, et s’enfuyaient aussitôt. Manifestement, il s’agissait de faire de la provocation. Les policiers furent donc chargés de poursuivre les rebelles. En vain. A peine commençaient-ils à donner la chasse à telle ou telle femme voilée qu’ils la voyaient détaler à toute vitesse, et disparaître au coin d’un immeuble. Et ils retrouvaient le niqab ou la burqa, jeté à la hâte sur le bord du trottoir, sans aucun moyen pour retrouver la personne qui, quelques instants plus tôt, se trouvait sous le voile. Mais il fut bientôt évident qu’il s’agissait de jeunes gens, des «sauvageons» pas du tout musulmans en général, disposés à se moquer de la police, à faire courir les pandores essoufflés et vieillissants. Dès lors, le commerce du voile devint florissant, notamment sur Internet. Ceux qui ne pouvaient en acheter les confectionnaient eux-mêmes, avec des bouts de tissus, et les utilisaient pour s’amuser aux dépens des forces de l’ordre. Bientôt, dans les banlieues françaises, «la course au voile» devint sport national.


Niqab

 


    La situation ne put que s’aggraver lorsque se produisit le premier attentat. Il tua deux personnes, et en blessa six autres dans une mairie de la République. Les inscriptions arabes sur le mur calciné ne laissèrent aucun doute: c’était la main d’Al Quaeda. Le lien avec la nouvelle législation fut vite fait. C’était à coup sûr une vengeance. Du coup, certains intellectuels affirmèrent qu’il était temps d’abolir une loi, qui avait coûté si cher à la France. Mais les députés, de gauche comme de droite, qui avaient voté la loi, affirmèrent qu’il n’était pas question de céder à la pression et au chantage, et qu’il était question au contraire de renforcer le texte.

    Ce fut bientôt chose faite. On s’appliqua à interdire le commerce du foulard intégral, le port de la burqa, même dans l’espace privé. Puis il fallut une quatrième loi, et bientôt une cinquième. On finit par interdire le voile semi-intégral, puis aussi le voile simple. De nombreuses musulmanes, pourtant très intégrées, comme on le disait, furent licenciées sans phrase. Il s’agissait, paraît-il, d’empêcher qu’elles ne soient persécutées, les pauvres, par leurs collègues. En d’autres termes, on tentait de lutter contre l’exclusion, fût-ce par l’exclusion. On commença à pratiquer le test de la «soupe au cochon», pour détecter les musulmans non-républicains. Les travailleurs qui avaient l’air arabe devaient manger un morceau de lard, ou consommer de la soupe au cochon, s’ils voulaient être embauchés, ou conserver leur emploi. Certains firent de leur mieux, mais vomissaient aussitôt, ce qui ne facilitait guère leur intégration républicaine. Les mosquées jugées «pro-voile» furent sans cesse prises pour cible. Il fallut renforcer les effectifs militaires à l’entrée des lieux de culte musulmans.

    L’affaire devint véritablement un enjeu international. La France fut condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, mais elle fit des émules. Plusieurs pays comme la Pologne, les Pays Bas ou le Danemark votèrent des lois similaires aux nôtres. D’autres pays critiquèrent durement la position des Français. Les discours sur le choc des civilisations qui, depuis l’élection de Barack Obama, avaient perdu de leur vigueur, repartirent de plus belle, et rendirent plus tendues que jamais les relations internationales.

     Quand le troisième attentat se produisit dans le métro à Paris, on constata qu’il avait été organisé par quatre personnes: un étudiant musulman d’origine algérienne, une jeune fille qui avait fait un séjour de six mois en prison à cause de son voile, et deux hommes franco-français, deux jeunes gens convertis à l’islam, que le climat général avait fanatisé. Que des Français de souche fussent complices de cette barbarie alarma l’opinion publique. Le plan vigipirate et le plan vigivoile devinrent encore plus rigoureux. Le couvre-feu mis en place dans les banlieues fut étendu à certains centres-villes.

     Or un jour, un homme agressa une nonne, sous prétexte qu’elle aussi était une femme voilée. Et que la loi était la même pour tous. Plusieurs religieuses innocentes furent ainsi agressées, y compris par des Français de souche, des laïcards invétérés. Ce jour-là, Philippe de Villiers fit une déclaration publique, très remarquée. Compte tenu des persécutions que subissaient même les religieuses catholiques, il se demandait si on n’était pas allé un peu trop loin avec toute cette série de  lois. Venant d’un homme peu suspect de complaisance envers les musulmans, cette position fit réfléchir plus d’un. On lança même à l’Assemblée une mission parlementaire, chargée d’évaluer l’impact des lois, et de réfléchir à un possible adoucissement. Mais il était trop tard: la machine infernale était lancée…

http://observatoire2.blogs.liberation.fr/normes_sociales/2009/11/le-jour-o%C3%B9-fut-vot%C3%A9e-la-loi-sur-le-voile-int%C3%A9gral.html

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